Rugb’images : attitudes, rites et sentiments
L’exposition présentée par le Festival Rugb’images dans la galerie marchande de l’hypermarché E. Leclerc est un florilège de gestes et de regards. Le panel de photographes venus du monde entier se retrouve autour d’une idée commune : le rugby n’est pas seulement affaire de scores, d’essais ou de drops, il y est aussi question de sentiments. Le test de virilité, c’est le tête-à-tête en mêlée. Quand le match se joue dans une mare à canards, reste la pupille autoritaire qui toise et jauge l’autre («Miradas» de l’espagnol Cavaro Carazo). La fraternité virile, c’est encore cette danse totémique (Andar a los saltos de l’Argentin Juan Maria Mondelo) : le cercle se referme dans un abrazo musclé pour fêter ou se motiver. Clin d’œil du cliché : un intrus échappe au rite, comme intrigué. Curieux aussi, mais déjà intégré à ce collectif qui forme le cercle, un gamin a réussi à s’y faufiler (Carlos Mediavilla Arrandigoyen). Il s’accroche aux jambes des géants, il apprend les usages de la confrérie.
Incroyable photo de Carlos de Cos en noir et blanc. Il cadre un profil de croisé médiéval, prêt à l’assaut de Jérusalem. Le serre-tête est un heaume, la barbe chabalienne et surtout la nuit et la boue rajoutent un air sauvage. Pas de doute, le rugby est un combat. La boue inspire les photographes.
Dans le marécage de Pablo Perez Herrero, qui joue avec qui ? Sous l’uniforme de glaise, le rugby nivelle les clivages sociaux et culturels. La douche bienvenue remettra une identité sur ces forçats de la glèbe. Ironique aussi, ce cliché de Faisal Hamadah : l’ailier déborde avec le maillot floqué Fly Emirates, mais c’est son poursuivant qui vole pour l’empêcher de décoller. Dans le «touch down» de l’ailière nattée du photographe koweiti, le rugby défie la pesanteur. Et dans le baiser des copines sur le chignon de Camille Boudaud, explose le rugby des affects. Comme dans les fratries, on castagne parfois, mais on s’aime.