Propos recueillis par Jean-Christophe COLLIN et Olivier MARGOT
Publié par L’Equipe Magazine
ENTRETIEN
ANDRE HERRERO – PIERRE ALBALADEJO
L’un, enfant pauvre de Dax, demi d’ouverture, était redouté pour la finesse de son jeu au pied. L’autre, ouvrier forgé à l’arsenal de Toulon, troisième-ligne, était craint de tous pour sa rudesse balle en mains. L’un et l’autre d’origine espagnole, ces deux internationaux immensément respectés ont joué ensemble sous le maillot tricolore à six reprises. Ils ont aussi disputé six finales de championnat, dont quatre pour « Bala », mais jamais ils n’ont brandi le Bouclier de Brennus.
En équipe de France, leurs trajectoires se sont croisées. Pierre Albaladejo finissait, André Herrero commençait. Néanmoins, ces deux-là eurent le temps d’accomplir ce chef-d’œuvre que fut la victoire sur les Springboks (8-6), le samedi 25 juillet 1964, à Springs, plongeant l’Afrique du Sud dans la honte et le désespoir au point que plus jamais on ne rejoua au rugby sur le Pam Brink Stadium. « Bala » et « le Grand » furent-ils jamais meilleurs que ce jour-là ? Pas sûr. Il y a cette phrase d’Herrero : « Il faut essayer de respirer le plus haut possible. » Deux hommes si différents et si semblables. Un Dacquois au maillot rouge, celui du sang des taureaux de combat, parti du pauvre quartier du Sablar, qui, à douze ans, rossait au jeu de dames les bourgeois de la ville ; « Bala », tout d’élégance et de courtoisie, d’une grande douceur en amitié, lui qui, d’un drop-goal, gagnait les matches avec la froideur d’une dague. Un Toulonnais au maillot rouge, couleur des grandes luttes ouvrières. Si Bala devint typographe à quatorze ans, André Herrero, littéralement « le forgeron », fut dans ce port de guerre ouvrier de l’arsenal, accéda au rang de charpentier de marine et vécut de grandes fièvres le poing levé, sur le terrain et en dehors. Pierre Albaladejo fut un virtuose du jeu au pied (le droit plus précis, le gauche plus puissant), au point d’être surnommé « Mister Drop » par un journaliste de langue anglaise incapable de prononcer son nom. Plus tard, restaurateur établi (comme Herrero), il devint le premier consultant sportif de l’audiovisuel et commenta 640 matches pour la télévision. André Herrero fut un guide, un autodidacte passionné par le progrès, un regard bleu acier qui faisait resurgir chez l’adversaire des peurs ancestrales et oubliées, une course rectiligne, un décathlonien du jeu, un chef qui récitait le Chant des partisans pour se mettre en condition. Tous deux renoncèrent d’eux-mêmes au maillot bleu. Aucun ne fut champion de France. Pourtant, on se souviendra toujours de la finale de 1971, quand une godasse biterroise coupa en deux André Herrero, une ignominie. Il fallut l’évacuer. Daniel, son frère, pleurait, alors « le Grand », visage dévoré par la douleur, revint sur le terrain. Roseline, sa femme, dit simplement : « J’ai toujours pensé que mon mari était indestructible. » Pierre Albaladejo et André Herrero ont vécu du rugby le temps de l’épopée.
Pierre Albaladejo : C’est drôle qu’on soit aujourd’hui ensemble. Mon premier match en première, à 19 ans, c’était contre Toulon. On était dans la même poule, cette saison-là (1953-1954). Je sors des vestiaires et je tombe sur un dirigeant dacquois, qui jouait arrière comme moi à mes débuts, mais en 1930. Il me dit : « Petit, un conseil : place-toi face à l’adversaire et crache en l’air. Si ça te revient dans la gueule, fais gaffe, c’est que tu as le vent contre ! » J’attendais qu’il me rassure, mais non, il s’en va… Et je vois arriver tous vos monstres… Les vieux me disaient toujours : « Petit, c’est quand tu auras joué à Toulon que tu pourras dire que tu es un joueur de rugby ! »
André Herrero : Je me rappelle d’une venue de « Bala » à Toulon. Il tente une pénalité. Et, là, il y a un supporter qui lui balance sa chaussure dessus. « Bala » tape sa pénalité puis ramasse la godasse, traverse tout le terrain pour la jeter dans la tribune opposée….
Albaladejo : Je me disais : « Le con, comment il va expliquer à sa femme qu’il rentre qu’avec une seule chaussure ! »
Après cela, vous vous êtes affrontés quelques fois. Il y eut notamment un mémorable seizième de finale, en avril 1965, à Colombes…
Albaladejo : Quatorze joueurs de chaque équipe se battaient. Moi, j’attendais au centre du terrain avec Bernard Labouré, l’arrière de Toulon. L’arbitre arrive. « Alors, docteur – l’arbitre était médecin –, on fait quoi maintenant ? » Il me répond : « On va faire une mêlée ! » Avec Labouré, on est partis d’un éclat de rire. Et, bien évidemment, c’est reparti de plus belle…
André, après votre victoire (11-9), vous n’auriez pas poursuivi un Dacquois dans les tribunes à la fin de ce match ?
Herrero : Pas dans les tribunes, dans les vestiaires. Un troisième-ligne… C’était Pierre Darbos ! Il m’avait manqué de respect. Je l’avais donc prévenu : « On se voit à la fin du match pour en discuter. » Au coup de sifflet final, il est parti en courant dans le tunnel. Je l’ai suivi…
Albaladejo : Mais c’est Bérilhe qui t’avait cassé la mâchoire…
Herrero : Non, j’étais tombé sur une pâquerette…
Les oppositions entre Dax et Toulon, c’était donc des matches un peu particuliers ?
Albaladejo : Moi, je me souviens surtout d’une leçon que m’avait donnée un arbitre. Votre demi de mêlée introduit le ballon en mêlée, le ballon ressort, il le remet. C’est une faute grossière. Or l’arbitre, monsieur Giraud, ne siffle pas. Je lui dis : « Si vous laissez passer ça… » Il me regarde dans les yeux et ne dit rien… Dix minutes plus tard, je fais un vilain en-avant. Monsieur Giraud siffle, passe près de moi et me glisse : « Alors ‘‘Bala’’, il n’y a pas que moi qui fais des erreurs ici… » Quelle leçon !
Herrero : « Bala », c’est lui qui arbitrait. Quelle langue de pute !
Albaladejo : Comme j’étais bien élevé, l’arbitre croyait tout ce que je disais… Mais au bout, il n’y avait que la gloire. Aujourd’hui, au bout, il y a de gros enjeux économiques.
L’époque était au combat, mais l’affrontement physique s’aventurait parfois dans des zones de non-droit. Lors de la finale 1971, contre Béziers, un coup de godasse vous a cassé en deux…
Herrero : Je n’ai jamais réussi à savoir qui en étaitl’auteur, et c’est un petit traumatisme. J’ai eu longtemps l’intime conviction que c’était Estève. Parce qu’il m’avait déjà marché sur la tête. Je m’étais accroché à la chaussure et au bout, c’était lui. Là, sur un fond de touche, j’étais au sol. Un tas de gars m’a évité, mais quelqu’un m’a ressemelé. C’était délibéré. Fracture d’une côte en deux endroits. Par la suite, j’ai voulu savoir. Parce qu’un mec capable de donner un tel coup de godasse à un homme qui ne lui a rien fait, c’est quelqu’un qui peut torturer des gens.
Vous avez perdu après prolongation (9-15) et votre vie en a été transformée…
Cette défaite en finale a modifié non seulement mon destin, mais aussi celui de Toulon. Vainqueur, je ne serais jamais parti jouer à Nice, ni les dix joueurs qui m’ont suivi.
Au-delà du rugby, vous avez pour point commun des origines espagnoles. Comment vos familles sont-elles arrivées en France ?
Herrero : Mon grand-père maternel acheminait du vin d’Espagne jusqu’à Lézignan, dans les Corbières, avec cinq ou six chevaux. Il a connu ma grand-mère en Andorre. Ils sont venus s’installer à Puisserguier, dans l’Hérault. Mon grand-père paternel, lui, était originaire d’Alicante. Il était ouvrier agricole et habitait dans une petite cabane dans les vignes. Mon père était aussi ouvrier agricole. Et il jouait au rugby au village. On l’appelait « le dératé ». Il jouait troisième-ligne. Un jour, arrive un bonhomme de La Seyne-sur-Mer, dans le Var, qui cherchait des rugbymen… Et c’est comme ça que l’on s’est retrouvés à La Seyne, j’avais onze ans. Daniel (le frère cadet, ancien joueur et entraîneur du RC Toulonnais, né en 1948) ne marchait pas encore.
Albaladejo : Mais, Daniel, il avait déjà le bandeau ?
Herrero : Vous allez rire, mais, petit, Daniel ne parlait pas… Bon, depuis, le littéraire s’est rattrapé ! À 14 ans, j’ai passé le concours de l’arsenal où je suis rentré comme apprenti. J’ai d’abord fait de l’athlétisme. Puis j’ai commencé à jouer au Rugby Club Corse… Il était dans le quartier de Chicago (alors le quartier chaud, dans la basse ville, non loin du stade Mayol). Notre entraîneur était un proxénète. J’ai alors fait mon éducation sexuelle… « Touche, petit… » Et le président était commissaire de police. Parfois, le dimanche, il allait chercher un joueur dans la prison à côté le temps d’un match…
Et vous, Pierre, votre famille vient de quelle région d’Espagne ?
Albaladejo : Pas très loin de celle d’André, de la province de Murcie. Mes arrière-grands-parents étaient propriétaires de mines de plomb et d’argent. À la mort de mon arrière-grand-père, ils étaient cinq garçons, mon grand-père était le cinquième. L’aîné, par le droit d’aînesse, a hérité des mines. Mais il aimait l’alcool, les filles et le jeu. Résultat : quatre ans après, il avait tout bouffé. Mon grand-père et ses frères, de fils du patron se sont retrouvés à manier des pioches dans la mine. Plus tard, mon père est venu travailler au Vigan, dans le Gard, et il a fait des études sur les transformateurs. Et il s’est retrouvé muté dans les Landes. On habitait au Sablar, un quartier pauvre de Dax, de l’autre côté de l’Adour. Longtemps, on a cru que l’on n’avait pas le droit de traverser le pont qui menait au quartier riche, avec les hôtels. On vivait avec les Portugais, les Espagnols dans notre quartier de va-nu-pieds.Mais très heureux. On était trois frères. J’étais le troisième. On achetait un vêtement que Robert abîmait, puis Raymond me le tuait et, moi, j’étais le minable, le plus mal habillé. Et, du coup, quand il y avait un carreau de cassé, c’était toujours de ma faute. J’en ai pris, des branlées…
Et ce pont qui vous séparait des quartiers riches, vous l’avez franchi quand pour la première fois ?
Albaladejo : La première fois que je l’ai traversé, c’était pour aller à l’école de rugby. J’avais 11 ans.
Comment êtes-vous venu au rugby ?
Albaladejo : J’étais un gringalet. La patronne de l’imprimerie où je travaillais depuis mes 14 ans disait toujours : « Qu’est-ce qu’on va faire de ce gosse… » Un jour, un gars un peu plus vieux que moi m’a emmené au rugby. Il m’a donné une vieille paire de chaussures, c’était du 43 et je chaussais du 39. Plus tard, à cause de ça, j’ai été victime d’un effondrement de la voûte plantaire qui m’a handicapé pendant trois ans. J’ai dû quitter l’équipe de France. Je ne pouvais plus m’entraîner. Je suis allé voir le professeur Geneste, à Bordeaux, qui m’a dit : « Il n’y a pas un con de docteur à Dax qui t’a dit que t’avais les pieds plats ? » Après, j’ai toujours joué avec des semelles orthopédiques. Un chirurgien de Dax a même affiché une photo de mes pieds dans son bureau pour rassurer les mamans d’enfants aux pieds plats. « Ce sont les pieds d’Albaladejo. Vous voyez, on peut réussir avec des pieds plats. »
Vous vous souvenez de votre premier match au stade de Dax ?
Albaladejo : Je devais jouer le lever de rideau d’un match contre le Stade Toulousain. Le gardien du stade, comme j’étais malingre, n’a jamais voulu me laisser rentrer. Il ne me croyait pas quand je lui disais que je devais jouer. Je me suis dit : « Toi, un jour, tu vas me l’ouvrir la porte… Et, bien plus tard, quand je jouais en première et en équipe de France, quand j’arrivais au stade, je l’appelais toujours, systématiquement, et je lui demandais : « Vous pouvez m’ouvrir la porte s’il vous plaît. » Il n’a jamais compris pourquoi.
André, de votre côté, vous étiez marqué politiquement…
Herrero : Je n’ai jamais été un politique engagé, mais on était d’une famille ouvrière. On avait la statue de Staline à la maison et, quand il est mort, en 1953, on a tous pleuré à la maison. C’est en voyageant avec l’équipe de France, notamment lors d’un match en Roumanie (il a joué deux matches à Bucarest, en 1964 et 1966), que j’ai compris que le communisme était une très belle idée, mais que, appliquée par les hommes, elle devenait une dictature.
Comment avez-vous débuté en équipe de France ?
Albaladejo : On avait joué à Lourdes et j’avais fait un bon match. Jean Prat, le capitaine du quinze de France, avait alors appelé le sélectionneur, Roger Lerou. « Vous cherchez un arrière ? Ne vous emmerdez pas, il y a un jeune à Dax qui nous a fait chier tout l’après-midi, prenez-le ! » Et voilà comment j’ai été convoqué en équipe de France pour jouer contre l’Angleterre, à Colombes, en avril 1954 (11-3), sans qu’aucun sélectionneur ne m’ait vu jouer. Il faut dire qu’à l’époque, les membres du comité de sélection lisaient les journaux et allaient peu sur les matches .
Herrero : Je me suis cassé la jambe juste avant de partir pour la tournée d’été de 1960, en Argentine… Je suis resté deux ans sans jouer. J’ai pris du poids, je suis devenu plus puissant et j’ai finalement débuté contre la Roumanie en décembre 1963 (6-6).
Quels étaient les rapports entre adversaires ?
Albaladejo : Après le match, on faisait ensemble la tournée des grands ducs. Et, à minuit, l’équipe adverse nous mettait dans le train. Un jour, à Toulon, on prend une branlée et notre capitaine, Paul Lasaosa, nous dit : « On va faire comme si on avait gagné. » On a retourné nos vestes – il y avait des doublures à l’époque –, et on a fait tous les bistrots de Toulon en chantant… On se foutait des beignes, mais on était très copains. C’était pas la guerre. Une fois, à Narbonne, ce sont les joueurs toulonnais qui nous ont protégés contre leurs propres supporters qui voulaient nous dérouiller.
Aujourd’hui, on dit que Toulon recrute des mercenaires étrangers, mais c’était déjà le cas ?
Herrero : Dans les années 1950 et 1960, Toulon recrutait énormément de joueurs du Sud-Ouest. Longtemps, c’est vrai, j’ai été le seul Toulonnais à jouer à Toulon.
Albaladejo : Durant ma carrière, on a eu deux étrangers à Dax : Gaston Dubois, qui venait de Peyrehorade, et Jean-Claude Lasserre, qui venait de Mauries (deux communes landaises).
Qu’est-ce que vous touchiez de votre club à l’époque ?
Herrero : Un international à Toulon touchait l’équivalent de 500 euros par mois. Après la tournée en Afrique du Sud, en 1964, j’étais allé en vacances chez Michel Sitjar, troisième-ligne agenais. Un mois à faire les cons. Quand je suis revenu, les dirigeants de Toulon m’ont convoqué. « Il paraît que t’es allé dans le Sud-Ouest… » J’ai vu que je tenais là une opportunité. Je leur ai répondu : « Oui, et j’ai été très bien reçu. » « Mais tu es de Toulon ! » « Oui, je suis de Toulon, mais le Sud-Ouest, c’est très bien aussi… » Et je leur lâche : « Je veux bien rester, mais faudrait que vous m’aidiez à acheter un restaurant. » J’ai fait un emprunt et ils ont complété avec une avance sur cinq ans.
Albaladejo : Chaque année, on recevait 2 500 francs (l’équivalent aujourd’hui d’environ 3 500 euros) avant Noël pour acheter les cadeaux aux gamins. Ça s’arrêtait là. En revanche, tous les dirigeants avaient pour mission de trouver du boulot aux joueurs. Quand je suis revenu du service militaire, Pierre Charpy, un deuxième-ligne du PUC, journaliste à Paris-Presse et intervieweur du général de Gaulle, m’a organisé une réception au Syndicat du Livre, car j’étais le premier ouvrier du livre international. Dans le discours, il m’a invité à rejoindre Paris-Presse. Quand ils ont appris ça à Dax, ils m’ont dit : « Pierrot, tu ne vas pas nous quitter… » Il y avait une guinguette à vendre, les dirigeants s’y sont mis à sept ou huit pour me prêter l’argent et que je l’achète. Ils m’ont poussé à épouser ma compagne, Francette, ce qui fut une grande chance. Et ils se sont portés garants auprès des banques à chaque fois que je voulais agrandir mon restaurant…
Votre premier match ensemble, en équipe de France, c’était…
Herrero : Contre les All Blacks, en 1964 à Colombes : 12 à 3 pour les Blacks.
Albaladejo : À ce moment-là, les équipes internationales n’avaient pas le droit d’avoir d’entraîneur. On avait des matches de sélections, France A-France B, qui étaient d’une connerie insensée. Ensuite, il était interdit d’être réuni plus de quarante-huit heures avant le match. On avait le droit à un entraînement la veille du match, mené par le capitaine.
Herrero : On mettait juste au point une ou deux combinaisons que l’on faisait dans nos clubs.
On vous payait le train ?
Herrero : Oui, on était remboursés en première classe, mais on voyageait en 3e classe pour récupérer quelques sous.
Albaladejo : Lourdais, Montois, Palois, Basques, on se retrouvait tous à la gare de Dax… Là, les supporters prenaient le même train avec les jambons, le rouge. Et on partait tous ensemble affronter les Britanniques. On arrivait à Paris, et le rendez-vous était aux Halles pour une sacrée gamelle.
Et, à la table de l’équipe de France, on faisait attention ?
Albaladejo : Ah non ! Parce que l’on mangeait ce que les dirigeants avaient commandé pour eux. Et non l’inverse !
Pour la troisième mi-temps, il y avait un itinéraire balisé ?
Herrero : Oui, on retournait mettre le smoking à l’hôtel Louvois. Puis on allait au banquet au Lutétia. Ensuite, on passait chez les copains qui avaient des bistrots, comme Moustache, qui avait un club de jazz, puis ensuite on partait au Bac, au Courrier de Lyon, puis Chez Castel et enfin au Pied de cochon.
Albaladejo : Lors d’un France-Écosse, en janvier 1961 (11-0), on avait donné rendez vous aux Écossais pour une revanche au whisky chez Moustache. On a fait une fête… On sort de là vers 3 heures du matin, avec Guy Boniface et Jean Dupuy, et on prend un taxi. Et là, je dis au chauffeur : « À l’Élysée ! » Roger Tessier, l’un des gardes du corps de de Gaulle, était un de mes vieux copains. Le général et lui parlaient souvent sport ensemble. En rugby, de Gaulle disait à Roger : « Votre copain « Bala », s’il pouvait battre les Anglais samedi… » On arrive donc devant l’Élysée, je demande au planton : « Roger n’est pas là ? » « Non, c’est Paul Comiti qui est de service. » Ils nous ont reconnus et invités à prendre un café. On a emmené le chauffeur de taxi avec nous. Je demande au garde si on ne peut pas réveiller Pépère – c’est comme ça qu’ils appelaient le général. « Et pourquoi ça ? » « Ben, cet après-midi on n’a pas pris une “canique” en touche face aux deuxième-ligne écossais Campbell-Lamerton et Ten Bos et, le mois prochain, on va en Angleterre. Comme le général est grand, on se disait… » Quand on a voulu le payer, le chauffeur de taxi n’a jamais voulu. Il répétait : « Quand je vais raconter ma soirée à ma femme… » On a passé une belle jeunesse. n